Structurer la fonction marketing dans une PME ou une startup : qui fait quoi, quand et pourquoi

Structurer la fonction marketing dans une PME ou une startup ne se résume pas à recruter ou à multiplier les canaux. C’est un acte stratégique qui consiste à aligner la vision, les moyens et les objectifs de l’entreprise autour d’un marketing gouverné. Dans cet article, je vous propose une lecture progressive des modèles de structuration : phases de maturité, signaux faibles, arbitrages organisationnels (interne, externe, hybride) et rôle du CMO comme architecte. Il en résulte une typologie utile à tout décideur souhaitant faire évoluer son marketing vers plus de clarté, d’efficacité et de durabilité. Structurer, ce n’est pas rigidifier, c’est rendre possible une croissance cohérente et pilotée.

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Dans bien des PME et startups, le marketing commence par une série d’initiatives isolées : un site web, quelques publications LinkedIn, une campagne Google Ads, une infolettre sporadique. L’intention est bonne, les efforts réels. Mais sans cadre, ces actions s’accumulent plus qu’elles ne convergent. Le marketing devient une suite de tactiques, rarement alignées, souvent déléguées, presque jamais pilotées.

Or, structurer la fonction marketing ne consiste pas à empiler des canaux ou à recruter au plus vite. C’est avant tout un choix stratégique : celui d’orchestrer la croissance, de clarifier le positionnement, de synchroniser l’action commerciale avec la promesse de marque. C’est aussi un levier de maturité organisationnelle : passer d’un marketing réactif à une fonction proactive, capable de guider les décisions, pas seulement de les suivre.

Ce besoin de structuration n’apparaît pas d’un coup. Il s’infiltre par petites touches : des messages contradictoires entre équipes, un discours de marque qui évolue sans cohérence, un pipeline d’acquisition instable, des décisions marketing prises sans réel pilotage. Autant de signaux faibles qu’il faut savoir reconnaître.

Dans cet article, je propose une lecture structurée, et critique, de cette question :

Quand et comment structurer la fonction marketing dans une organisation en croissance ?

Nous verrons :

    • Pourquoi cette structuration est un acte stratégique et non purement opérationnel ;
    • Quels sont les signaux qui indiquent qu’elle devient nécessaire ;
    • Comment adapter sa démarche selon la taille et la maturité de l’entreprise ;
    • Quels arbitrages effectuer entre recrutement, externalisation ou hybridation ;
    • Et enfin, pourquoi le rôle du directeur marketing, ou CMO, dépasse de loin l’exécution pour toucher à la gouvernance.

En filigrane, une conviction :

La structuration du marketing n’est pas un luxe réservé aux grandes entreprises. C’est un levier de clarté et d’efficacité pour toutes les organisations qui veulent croître sans se disperser.

Structurer : un acte stratégique, pas opérationnel

Dans les entreprises en croissance, la fonction marketing est souvent pensée au départ comme un ensemble d’actions : créer un site, faire de la publicité, publier sur les réseaux, produire des contenus. Cette approche opérationnelle, légitime dans les premières phases, tend toutefois à confondre marketing et communication, ou pire : à réduire le marketing à une simple capacité d’exécution.

Mais structurer une fonction marketing ne consiste pas à “faire plus”. Cela revient à décider consciemment du rôle du marketing dans le modèle d’affaires :

Pourquoi faire du marketing ? Pour qui ? Dans quelle logique de valeur ? Avec quels moyens, et dans quel périmètre stratégique ?

Cette question touche directement aux fondations de l’entreprise. Comme le rappelle Philip Kotler, père du marketing moderne,

Le marketing ne consiste pas à vendre ce qu’on fabrique, mais à fabriquer ce qu’on peut vendre.
Autrement dit, le marketing est une fonction d’alignement entre l’offre, la demande, et la manière dont l’entreprise crée, communique et délivre de la valeur.

🔹Le marketing comme interface stratégique

Le marketing agit comme une interface entre la stratégie de l’entreprise, ses clients, et ses équipes internes. Structurer cette fonction revient à organiser :

      • La vision client : segmentations, personas, attentes, points de friction.
      • Le positionnement : quelle place souhaite-t-on occuper dans l’esprit du marché ?
      • La proposition de valeur : claire, différenciante, validée.
      • La structuration des canaux : acquisition, fidélisation, communication.
      • Les métriques de performance : au-delà des KPIs vanity, quels indicateurs mesurent vraiment l’impact marketing ?

C’est aussi une question de gouvernance. Qui définit les priorités ? Qui arbitre entre branding et lead gen ? Comment s’articule le marketing avec les fonctions ventes, produit, service client ? Cette gouvernance est souvent informelle au début, mais devient rapidement un point de friction si elle n’est pas cadrée.

🔹 Structurer pour sortir du court-termisme

La structuration est donc une condition de durabilité, car elle permet de sortir d’une logique opportuniste (“on lance une campagne parce que le chiffre baisse”) pour entrer dans une logique systémique (“on développe un levier, on le mesure, on le consolide”).

C’est dans ce sens que Peter Drucker, en définissant les deux fonctions essentielles de l’entreprise, déclarait :

“Le but d’une entreprise est de créer un client. Il n’y a donc que deux fonctions fondamentales : le marketing et l’innovation. Le reste n’est que coût.”

Ne pas structurer le marketing, c’est prendre le risque de l’appauvrir, de le rendre dépendant de talents isolés, de tactiques désynchronisées ou de budgets mal calibrés.

Structurer la fonction marketing dans une PME ou une startup : qui fait quoi, quand et pourquoi

Les signaux faibles qui indiquent que le moment est venu

Dans la majorité des PME et des startups, le marketing se développe “organiquement” : un peu de contenu par ici, une campagne paid par là, parfois une agence qui gère l’ads, parfois un junior polyvalent. Ce bricolage peut suffire un temps. Mais à mesure que l’entreprise croît, que les enjeux se complexifient, des signaux faibles apparaissent.

Ils ne prennent pas toujours la forme d’un échec ou d’un manque flagrant. Au contraire, ce sont souvent des micro-dysfonctionnements récurrents, qui révèlent un manque de structure.

🔹 Des messages incohérents d’un canal à l’autre

Quand le site met en avant un positionnement orienté produit, tandis que les commerciaux parlent “solution”, que les réseaux sociaux valorisent la culture d’entreprise, et que les campagnes publicitaires ciblent des besoins concrets mais différents… il y a une dissonance de marque. Cette incohérence brouille la perception client et dilue la valeur.

📌 Indicateur typique : les équipes produit, ventes, marketing et support ne donnent pas la même définition du client cible.

🔹 Le marketing est dispersé dans l’organisation

Dans un rapport de MediaLake (2025), on apprend que les entreprises avec des opérations marketing fragmentées dépensent en moyenne 20 % de plus en achat média, sans résultats supérieurs à celles ayant une approche intégrée. Établissant ainsi des inefficacités opérationnelles : lenteurs dans la prise de décision, responsabilité dispersée, difficultés de pilotage dans un contexte multi-agences, multi-équipes.

📌 Symptôme : personne ne peut expliquer clairement la stratégie marketing en 3 phrases.

🔹 Les décisions sont réactives, pas planifiées

Le marketing devient un “réservoir d’outils” auquel on pioche dès qu’un besoin business se fait sentir (événement à venir, produit à lancer, croissance en panne). Il n’est pas acteur des décisions, il les exécute après coup. Dans ce modèle, le marketing n’est plus une fonction proactive, mais un service support.

📌 Red flag : si vos campagnes sont systématiquement lancées “à l’arrache”, vous n’avez pas de structure.

🔹 Les KPIs sont suivis, mais pas interprétés

On produit des dashboards. On mesure les taux de clics, le trafic organique, le coût par lead. Mais ces données n’alimentent pas la stratégie. On les subit, plus qu’on ne les pilote. C’est ce que l’on pourrait appeler un marketing “instrumenté mais aveugle”.

📌 Indicateur : les indicateurs sont revus a posteriori, mais rarement pour décider d’un changement stratégique.

À ce stade, la question n’est pas “faut-il faire plus de marketing ?”

C’est plutôt : faut-il le gouverner différemment ?

La réponse dépend de nombreux facteurs,  taille, maturité, ambitions,  mais une chose est sûre : plus ces signaux se multiplient, plus il est risqué de rester dans un modèle informel. Car une entreprise qui grandit sans structuration marketing verra tôt ou tard :

        • une perte de cohérence dans son image,
        • une baisse du ROI de ses efforts,
        • un mal-être organisationnel dans les équipes marketing,
        • et une difficulté à arbitrer entre le court terme et les objectifs à 12–24 mois.

Les trois phases de structuration marketing : une lecture par paliers de maturité

Il n’existe pas de “bonne” structure marketing universelle. Elle doit être contextualisée, c’est-à-dire adaptée à la taille de l’entreprise, à sa vitesse de croissance, à son modèle économique, et à sa culture managériale.

Plutôt que de penser en organigrammes figés, il est préférable de raisonner en paliers de maturité fonctionnelle. Voici un modèle en trois phases, inspiré à la fois de frameworks de scaling et d’observations concrètes en PME.

🔹 Phase 1 : L’amorçage marketing (0–10 personnes)

Objectif de l’entreprise : Valider son offre, trouver ses premiers clients, faire émerger un signal sur le marché.
État marketing : Empirique, bricolé, fondateur-dépendant.

🧩 Organisation-type :

      • Aucune fonction marketing formalisée.
      • Le marketing est souvent piloté par le CEO, avec l’aide ponctuelle de freelances.
      • Le besoin porte sur la visibilité, l’explication de la valeur, et les premiers leads.

✅ Priorités :

      • Clarifier le positionnement (même imparfait).
      • Mettre en place des fondations : site, premier contenu, messages-clés.
      • Tester des canaux : SEO, paid, social, cold outreach.

⚠️ Risques fréquents :

      • L’illusion de la maîtrise : un trafic qui monte ≠ un marketing structuré.
      • Empiler les outils (CMS, CRM, Ads, LinkedIn…) sans logique intégrée.
      • Sous-investir dans l’expertise : on attend d’un stagiaire qu’il “gère tout le marketing”.

 

🔸 Phase 2 : La structuration initiale (10–50 personnes)

Objectif de l’entreprise : Organiser la croissance, faire passer le marketing de la “création” à l’“industrialisation”.
État marketing : Présent mais souvent dispersé, piloté par le besoin du moment.

🧩 Organisation-type :

      • Recrutement d’un·e marketing lead (Head of, Manager, Fractional CMO).
      • Constitution d’une mini-équipe ou de prestataires stables.
      • Premiers outils structurants : CRM, marketing automation, dashboarding.

✅ Priorités :

      • Structurer le mix canal : quelles actions pour quelle étape du funnel ?
      • Mettre en place des rituels de mesure et d’arbitrage (mensuels ou trimestriels).
      • Définir une roadmap marketing à 3–6 mois, avec des cycles d’apprentissage.

⚠️ Risques fréquents :

      • Recruter trop vite ou trop opérationnel, sans direction stratégique.
      • Diluer les efforts sur trop de fronts.
      • Rendre le marketing dépendant d’un seul profil clé (le “pilier”).

 

🔺 Phase 3 : L’orchestration stratégique (50+ personnes)

Objectif de l’entreprise : Piloter le marketing comme un levier structurant, en lien direct avec la direction générale.
État marketing : Spécialisé, interfacé avec le produit, la vente, la finance.

🧩 Organisation-type :

      • CMO ou directeur marketing présent au COMEX.
      • Équipe segmentée (acquisition, brand, CRM, data, content).
      • Stack technologique robuste (CDP, analytics avancés, A/B testing).

✅ Priorités :

      • Aligner les objectifs marketing avec les KPIs business (CAC, LTV, churn, NPS).
      • Renforcer le lien entre stratégie de marque et stratégie de croissance.
      • Piloter la culture marketing dans l’organisation (collaboration transverse, acculturation produit).

⚠️ Risques fréquents :

      • Silos fonctionnels entre acquisition, contenu et produit.
      • Inflation des outils sans rationalisation (cf. “martech bloat”).
      • Déconnexion avec le terrain si le marketing devient trop distant des clients.

Modèles organisationnels : qui fait quoi, et selon quelle logique ?

La question « quels profils recruter et dans quel ordre ? » est secondaire si l’on n’a pas clarifié la logique organisationnelle que l’on souhaite mettre en place.
Faut-il une équipe polyvalente ? Un pôle centralisé ? Des experts par canal ? Le choix dépend moins de la mode que de la stratégie d’arbitrage interne.

On peut schématiser quatre grands modèles d’organisation marketing observés en PME et scale-ups :

🧩 Le modèle full-stack

Description : Une ou deux personnes gèrent l’ensemble du marketing : stratégie, contenu, réseaux, ads, CRM.
Avantages : grande agilité, adaptation rapide, peu de silos.
Limites : dépendance forte à un profil unique, surcharge, manque de profondeur d’expertise.

✅ Adapté à la phase 1 ou début de phase 2.

🧩Le modèle centralisé

Description : Une équipe marketing structurée autour d’un noyau stratégique (Head of / CMO), qui pilote la vision, les budgets et les arbitrages.
Avantages : cohérence stratégique, meilleur alignement avec la direction.
Limites : peut ralentir l’exécution si la charge opérationnelle est concentrée.

✅ Modèle courant à partir de 20-30 employés.

🧩 Le modèle décentralisé (ou embedded)

Description : Chaque entité (produit, sales, RH) dispose de son ou sa référent·e marketing.
Avantages : meilleur ancrage terrain, personnalisation des actions.
Limites : risques d’incohérence, difficulté à piloter une marque unifiée.

✅ Observé dans des entreprises multiservices ou multimarques.

🧩 Le modèle Hub & Spoke (hybride)

Description : Une cellule centrale définit les lignes directrices (brand, voix, outils), pendant que des “satellites” (équipes terrain, BU, filiales) exécutent localement.
Avantages : scalabilité + cohérence, flexibilité sur les territoires.
Limites : nécessite une maturité forte du pilotage transverse.

✅ Modèle de scale-up ou groupe.

Comment choisir ?

Le bon modèle dépend de 3 facteurs :

      1. La capacité managériale disponible (pilotage transverse, temps de coordination)
      2. La diversité des publics et canaux à adresser
      3. Le niveau d’autonomie et de maturité des profils en place

Mieux vaut un modèle simple très bien piloté qu’un modèle sophistiqué sans gouvernance.

Externaliser, recruter ou hybrider : quel modèle de structuration choisir ?

Structurer la fonction marketing implique tôt ou tard une question d’organisation humaine : qui porte le marketing au quotidien ?
Faut-il recruter en interne, travailler avec des prestataires, ou opter pour une forme hybride ? La réponse dépend de plusieurs variables – taille, ambition, ressources – mais elle doit toujours être éclairée par une logique de pilotage : qui pense, qui exécute, qui arbitre ?

🔹 Option 1 : Recruter une équipe interne

✅ Avantages :

      • Meilleur alignement culturel et stratégique avec l’entreprise.
      • Intégration fluide aux autres fonctions (produit, ventes, RH).
      • Capacité à capitaliser sur l’historique, les outils internes, les échecs et apprentissages.

⚠️ Limites :

      • Processus lent et coûteux : trouver, intégrer, former.
      • Risque de “sur-recruter” trop tôt, avant que la vision ne soit claire.
      • Besoin de compétences managériales pour encadrer l’équipe.

À privilégier si : l’entreprise a une vision claire de ses priorités marketing, un volume d’activité suffisant, et les moyens de construire une équipe sur le long terme.

🔸 Option 2 : Externaliser (freelances, agences, collectifs)

✅ Avantages :

      • Flexibilité : montée en charge rapide, expertise disponible immédiatement.
      • Accès à des expertises pointues (SEO, design, paid, analytics, etc.).
      • Pas de coûts fixes ni de gestion RH.

⚠️ Limites :

      • Difficulté à garantir la cohérence stratégique (chaque prestataire reste dans son silo).
      • Risque de dépendance si le pilotage interne est trop faible.
      • Coordination plus lourde pour le dirigeant.

À privilégier si : l’entreprise est encore dans une phase exploratoire ou n’a pas la bande passante pour gérer une équipe interne.

🔺 Option 3 : Le modèle hybride (souvent le plus pertinent en PME)

Dans ce modèle, l’entreprise combine :

      • un profil interne (polyvalent ou junior) pour la proximité opérationnelle ;
      • un pilotage externe (fractional CMO, consultant senior) pour la stratégie et les arbitrages ;
      • et des prestataires spécialisés (agences, freelances) sur des expertises clés.

✅ Avantages :

      • Permet d’avancer vite sans recruter une équipe complète.
      • Clarifie la gouvernance : l’interne exécute, l’externe pilote.
      • Réduit le risque de dépendance ou d’embauche précipitée.

⚠️ Points d’attention :

      • Le modèle doit être bien cadré dès le départ (qui décide quoi ? à quelle fréquence ? avec quels livrables ?).
      • Il repose sur la qualité du CMO externalisé, qui doit comprendre la culture, les objectifs et la réalité opérationnelle de l’entreprise.

📌 Fractional CMO

Le concept de Fractional CMO (directeur marketing à temps partiel, souvent une à deux journées/semaine) s’est développé dans les écosystèmes tech nord-américains depuis 2018, notamment dans les structures entre 10 et 100 employés.
Des cabinets ont structuré ce type d’offre aux États-Unis. Au Québec, le modèle reste encore peu formalisé mais très utilisé dans les faits.

Un bon modèle hybride repose sur un triptyque fonctionnel :

  • Vision (pilotée par un profil senior)
  • Exécution (portée par un ou des profils internes ou partenaires)
  • Spécialisation (apportée ponctuellement par des expertises externes)

📌 Comparatif synthétique : quel modèle pour quelle situation ?

Situation

Modèle recommandé

Rôle du CMO

Startup early-stage sans moyensFreelances + fondateur impliquéAbsent ou rôle fondateur
PME en structuration avec croissance rapideModèle hybrideFractional CMO
PME stable avec budget marketing récurrentRecrutement interneHead of ou CMO
Organisation en scale-up avec ambitions fortesInterne structuré + prestataires spécialisésCMO stratégique membre du COMEX

Besoin d’un guide pratique pour faire le bon choix ?
Consultez notre article comparatif : Recruter ou externaliser son marketing en PME

Le rôle du CMO : architecte plus qu’exécutant

Dans l’imaginaire collectif, le directeur marketing ,  ou CMO (Chief Marketing Officer) ,  est souvent perçu comme une figure ambivalente :

      • soit un super exécutant, censé maîtriser à la fois le SEO, les Ads, la stratégie de marque, les réseaux sociaux, le CRM et les relations presse ;
      • soit un manager lointain, trop stratégique, déconnecté de l’action, qui “ne met pas les mains dedans”.

Ces deux caricatures traduisent une même erreur : réduire le rôle du CMO à un gradient entre opération et inaction, alors qu’il s’agit d’un pilote d’alignement global.

🔹 Le CMO, une fonction de design organisationnel

Le CMO n’est pas (ou plus) simplement “responsable du marketing”. Il est responsable du pilotage de la perception et de la croissance ,  deux leviers au cœur de la stratégie d’entreprise.

Concrètement, le CMO :

      • définit la vision marketing à moyen terme : positionnement, narration, différenciation ;
      • hiérarchise les objectifs selon la stratégie de croissance (acquisition vs notoriété vs conversion vs rétention) ;
      • oriente la structure : profils à recruter, partenaires à choisir, outils à prioriser ;
      • aligne les fonctions internes : produit, ventes, RH, direction générale ;
      • porte une culture de pilotage : données, itérations, redevabilité.

En résumé : le CMO ne gère pas tout le marketing ,  il en oriente la logique, en construit l’architecture, et en garantit la cohérence.

🔸 Une fonction d’alignement entre stratégie et réalité

Le marketing touche toutes les dimensions de l’entreprise :

      • Le discours produit (narration, roadmap, bénéfices),
      • Le tunnel de vente (qualification, conversion, nurture),
      • L’expérience client (attentes vs promesses),
      • Le recrutement (marque employeur),
      • La finance (coût d’acquisition, lifetime value, CAC payback…).

C’est pourquoi le CMO ne peut pas être isolé au sein d’un “pôle marketing” :

Il doit être en interface avec l’ensemble de l’organisation.
Dans les entreprises matures, il siège au comité de direction ; dans les plus petites, il est le relais stratégique du CEO sur le plan croissance + image.

🔺 Le dilemme “stratégie vs opération” : vers un modèle en T

Un CMO moderne est rarement un exécutant pur. Mais cela ne veut pas dire qu’il est coupé du terrain.
Le bon équilibre repose sur le modèle en T :

      • Une expertise verticale forte dans un domaine-clé (ex : brand, performance, produit) ;
      • Une vision horizontale capable d’embrasser toute la chaîne de valeur marketing.

Ce modèle lui permet :

      • de comprendre les réalités opérationnelles de l’équipe,
      • de dialoguer efficacement avec des spécialistes,
      • de prioriser intelligemment les actions,
      • d’arbitrer entre long terme et urgences du business.

C’est aussi ce qui distingue un CMO d’un Head of Marketing ou d’un directeur marketing “opérationnel”.

Pour une exploration complète du rôle du CMO en entreprise, lisez notre article dédié :
Le rôle du CMO dans une PME

🔎 Le CMO doit-il être au COMEX ?

C’est une vraie question ,  et un marqueur de maturité stratégique.
Tant que le marketing est vu comme un poste budgétaire ou un outil de soutien, le CMO est relégué à une fonction de middle-management. Mais lorsqu’il devient gardien de la perception de valeur et pilote de la croissance, il devient naturellement un acteur de gouvernance.

Le COMEX, ce n’est pas un privilège : c’est le lieu où se décident les arbitrages structurants. Y intégrer le marketing, c’est reconnaître que la croissance ne se fait ni sans marque, ni sans client.

En savoir plus sur mon accompagnement en tant que directeur marketing à Montréal.

🧩 Un rôle à géométrie variable selon les contextes

Enfin, le rôle du CMO dépend fortement de :

      • la phase de croissance (exploration, structuration, scalabilité),
      • le niveau de complexité des canaux ou des marchés,
      • la maturité des équipes en place,
      • l’ambition stratégique de la direction générale.

Il est donc impossible d’appliquer une fiche de poste unique. Mais une constante demeure :

Structurer la fonction marketing dans une startup

Un bon CMO est celui qui permet au marketing de cesser d’être un coût dispersé, pour devenir un investissement piloté.

Vers une typologie des modèles de structuration marketing en PME

Toutes les entreprises n’ont pas vocation à devenir des licornes, et toutes ne passeront pas par les mêmes étapes de structuration marketing. Pourtant, une chose est certaine : au fil du temps, les entreprises en croissance rencontrent des problèmes similaires ,  déperdition d’efforts, manque de cohérence, pilotage incertain ,  qui ne sont pas dus à un manque d’outils ou de créativité, mais à une structure inadaptée à leur stade de développement.

C’est pourquoi il est utile d’envisager une typologie : non pas un modèle unique à appliquer, mais une grille de lecture permettant à chaque entreprise de situer où elle se trouve, ce qui lui manque, et ce vers quoi elle peut évoluer.

🔹 Une structure marketing, pourquoi faire ?

Avant de classer, il faut rappeler ce que structurer veut dire. Structurer, ce n’est pas empiler des rôles ni multiplier les process. Structurer, c’est organiser l’effort marketing pour qu’il serve une logique de croissance claire.

Une structure marketing n’est pas une fin en soi. C’est une réponse à une équation :
Objectifs business × Maturité de l’organisation × Ressources disponibles.

Il existe donc plusieurs “familles” de structuration, selon l’intention stratégique dominante de l’entreprise.

🔸 Trois grands archétypes : Volume, Précision, Systémie

    1. Le modèle Volume : faire connaître, aller vite, occuper le terrain

Typique des startups early-stage, ce modèle valorise l’exécution rapide, la présence sur plusieurs canaux, et l’effet de volume (nombre de contenus, campagnes, messages).

L’organisation est légère, centrée sur un ou deux profils polyvalents.
⚠️ Les limites apparaissent vite : redondance, dispersion, ROI difficile à établir.

    1. Le modèle Précision : prioriser, affiner, convertir

Souvent adopté par des PME en phase de structuration, ce modèle privilégie la maîtrise du funnel, l’analyse des parcours, la segmentation et la qualité des leads.

On commence à intégrer des outils de pilotage, des rituels de mesure, des arbitrages entre canaux.
L’équipe reste réduite, mais gagne en spécialisation : on parle funnel, persona, nurturing, CAC.

    1. Le modèle Systémie : orchestrer, aligner, scaler

Typique des scale-ups ou des PME matures, ce modèle repose sur une vision orchestrée du marketing : pilotage stratégique, intégration transverse avec ventes, produit, finance, RH.

Le marketing est un système au service de la stratégie d’entreprise.
Les profils sont spécialisés, mais reliés par une vision commune. Le CMO est garant de cette cohérence.

🔹 Pourquoi cette typologie est utile

Parce qu’elle désamorce les fausses croyances comme :

  • “Il faut structurer dès le début” → Non, si votre structure ne vous ralentit pas, elle peut rester légère.
  • “Il faut recruter une équipe complète” → Non, si votre priorité est la clarté du message, pas la production massive.
  • “Il faut suivre les mêmes modèles que les grands groupes” → Non, car leur complexité est souvent un frein, pas un modèle.

Mais surtout, cette typologie permet de poser une question centrale :

Votre marketing est-il structuré pour répondre à votre ambition, ou pour suivre vos habitudes ?

📌 Un outil pour piloter son évolution : la matrice intentions x contraintes

On peut proposer ici un outil simple pour guider la réflexion stratégique :

 

Ressources limitées

Ressources disponibles

Ambition ciblée

Modèle Précision

Modèle Systémie

Ambition large / rapide

Modèle Volume

Modèle hybride évolutif

Un bon CMO est celui qui permet au marketing de cesser d’être un coût dispersé, pour devenir un investissement piloté.

Conclusion - Structurer ou fluidifier ?

Le marketing, dans une organisation, n’est jamais une simple fonction. C’est un miroir des tensions internes, un révélateur des priorités réelles, un amplificateur (ou non) de la valeur créée.
Structurer cette fonction, ce n’est donc pas empiler des process, recruter à l’aveugle ou déployer des outils : c’est choisir consciemment comment on veut parler au marché, avec qui, et dans quelle logique de croissance.

À ce stade, une question légitime peut émerger :

Dans un monde agile, outillé, automatisé, faut-il encore structurer le marketing, ou au contraire, le rendre plus fluide, plus organique, plus adaptatif ?

La vérité se situe sans doute dans un équilibre dynamique. Trop de structure fige, isole, ralentit. Pas de structure du tout, et le marketing devient invisible, incohérent ou épuisant. Ce qui compte, ce n’est pas le nombre de personnes, la taille des budgets ou l’épaisseur des roadmaps.
Ce qui compte, c’est la capacité à piloter avec intention, à arbitrer avec lucidité, et à transmettre une vision claire du rôle du marketing dans le projet d’entreprise.

🔁 Structurer, c’est se poser les bonnes questions

      • Que devons-nous dire, et à qui ?
      • Qui porte cette parole dans l’organisation ?
      • Que mesurons-nous, et pourquoi ?
      • À quoi sert notre marketing dans le modèle d’affaires que nous construisons ?

Des questions simples en apparence, mais qui, si elles ne sont pas posées collectivement, laissent place à l’opportunisme, aux injonctions contradictoires et à la dilution stratégique.

🔁 Structurer sans rigidifier

Aujourd’hui, les outils no-code, les IA génératives, les collectifs de freelances, la data accessible à tous permettent d’exécuter plus vite, plus souplement. Mais plus de vitesse sans gouvernance, c’est l’assurance de s’épuiser en actions sans cap.
Structurer, dans ce contexte, ne veut pas dire formaliser à outrance, mais rendre visible ce qui guide les décisions.

On ne structure pas pour rendre le marketing plus lourd.
On structure pour le rendre plus lisible, plus partageable, et plus gouvernable.

Dernier mot

La fonction marketing peut commencer dans l’ombre d’un fondateur, se déployer sous la forme d’initiatives éparses, être portée à bout de bras par un ou deux profils engagés.
Mais si elle n’est pas structurée à temps, elle finit souvent par s’épuiser, se répéter ou se fragmenter.
À l’inverse, une fonction marketing bien pensée, même modeste, peut devenir un point d’appui stratégique, un levier d’accélération et une source de fierté interne.

Structurer, c’est avant tout se donner les moyens d’être entendu.

Foire aux questions

Quand structurer la fonction marketing dans une PME ?

Lorsque des signaux apparaissent : incohérence des messages, canaux dispersés, absence de pilotage, dépendance à un seul levier d’acquisition.

Cela dépend de la maturité de l’entreprise. Un modèle hybride, combinant un pilotage stratégique (fractional CMO) et une exécution spécialisée (freelances, junior interne), est souvent le plus adapté en PME.

Le CMO agit comme un architecte du marketing : il définit la vision, priorise les actions, pilote la cohérence de l’ensemble et aligne les fonctions internes avec la stratégie de l’entreprise.

Non. Il existe différents modèles selon l’intention stratégique : volume (visibilité), précision (efficacité), ou systémie (alignement global). L’important est d’adapter la structure au contexte.

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